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Une maison

© Marc Domage

Chorégraphie, scénographie, costumes, objets lumineux Christian Rizzo – musique Pénélope Michel, Nicolas Devos (Cercueil/Puce moment) – ICI/Centre Chorégraphique National de Montpellier – au Théâtre national de la Danse / Chaillot, dans le cadre du Théâtre de la Ville Hors-les-murs.

Un danseur seul en scène sous le toit de la maison, anonyme car portant un masque neutre, ouvre le spectacle. Ce toit, structure mobile, aux arêtes de polyèdre faite de néons, tombe des cintres et pourrait tout aussi bien évoquer la coupe du cerveau – espace physique, espace mental – ou symboliser la voûte céleste. Le danseur se déplace de manière lancinante et répétitive dans une mathématique tracée au cordeau jusqu’à ce qu’arrivent petit à petit, des quatre coins de la scène, les treize autres interprètes qui, avec lui, dessinent l’histoire. A l’arrière du plateau blanc se trouve un tumulus de terre rouge, qui, le temps venu, deviendra personnage et troublera l’environnement.

La danse se fond dans un univers plastique très élaboré entre une éblouissante composition musicale, des couleurs éclatantes et les lumières qui les accompagnent, un plafond de verre qui envoie ses courants alternatifs jusqu’au ciel étoilé final, des danseurs aux gestes fluides qui se déploient avec élégance et précision, chacun dans son parcours.

La maison, espace du quotidien et espace sacré, est ce lieu symbolique et de l’intimité où se jouent les émotions et s’impriment les rêves, où la mémoire s’enracine, où chacun construit sa propre histoire. Maison rêvée et protectrice, lieu pour habiter, univers des nostalgies, cosmos, réalité physique ou représentation mentale, l’être intérieur s’y apaise. Peu avant les répétitions du spectacle Christian Rizzo perdait son père, le contexte est chargé. Maison-mère, maison-père, maison d’enfance et de secrets, le conscient et l’inconscient y voyagent.

Le chorégraphe nous entraine dans sa rêverie à travers une certaine abstraction, de solos à duos, tissant des parcours aux géométries variables. Dans le dernier tiers du spectacle, il construit une sorte de conte, naïf et inattendu, avec chapeaux pointus de fées et de sorciers et masques divers de faucons, de chevaux et de mort. Derrière ces rondes et ces moments « choral » apparaît la mort en grand drapé blanc. Exorcismes, rituels de vie et de mort… La maison en même temps se décale par la terre tumulus, étrangement fine et magnifiquement rouge que les danseurs répandent en nuages à grands coups de pelletées, faisant régner comme un épais brouillard ou dessinant comme un rideau des songes déchirés. Le sol devient rouge et les pas laissent traces, jusqu’à ce que la terre fasse disparaître le tapis blanc.

Luc Rizzo est un chorégraphe au parcours atypique issu du rock, de la mode et des arts plastiques, venu à la danse plus tardivement, et qui dirige depuis cinq ans l’Institut Chorégraphique International ICI/centre chorégraphique national de Montpellier. Son précédent travail était une trilogie comprenant D’après une histoire vraie (2013), Ad noctum (2015) et Le sindrome Ian (2016), spectacles basés sur le souvenir. Une Maison a ouvert la 39ème édition du Festival Montpellier Danse et confirme la collaboration de Christian Rizzo avec le groupe électro-rock expérimental Cercueil, Pénélope Michel et Nicolas Devos. Ils travaillent ensemble depuis plus de huit ans, les recherches que font les musiciens notamment à travers leur projet Puce Moment, ouvre ici sur une magnifique partition à laquelle répondent les danseurs dans leurs parcours sensibles et géométriquement habités.

 Brigitte Rémer, le 3 mars 2020

Avec : Youness Aboulakoul, Jamil Attar, Lluis Ayet, Johan Bichot, Léonor Clary, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Julie Guibert, Ariane Guitton, Hanna Hedman, David Le Borgne, Maya Masse, Rodolphe Toupin, Vania Vaneau – Création lumière  Caty Olive – création médias Jéronimo Roé – création musicale de Pénélope Michel et Nicolas Devos (Cercueil / Puce Moment) – assistante artistique Sophie Laly – costumes  Laurence Alquier – assistant scénographie, programmation multimédia Yragaël Gervais – direction technique Thierry Cabrera – régie lumière en alternance Yannick Delval, Thierry Cabrera, Nicolas Castanier – régie son et led mapping en alternance Jeronimo Roé, Marc Coudrais, Antonin Clair – régie plateau en alternance Shani Breton, Jean-Christophe Minart, Rémi Jabveneau –

Du 27 au 29 février 2020 – Théâtre national de la Danse / Chaillot, 1 place du Trocadéro, 75116. Paris – métro : Trocadéro – tél. : 01 53 65 30 00 – www. theatre-chaillot.fr – En tournée : 25 au 26 mars 2020, Dansens Hus, Stockholm (Suède) – 30 au 31 mars 2020 Théâtre de Hautepierre, Strasbourg, dans le cadre du festival Extradanse / Pôle Sud CDCN Strasbourg – 3 avril 2020 Maison de la Culture, Amiens – 15 au 16 avril 2020, La Comédie de Clermont-Ferrand, Scène nationale – 27 au 29 mai 2020, Dansens Hus – Nasjonal scene for dans, Oslo (Norvège).

D’après une histoire vraie

© Marc Domage

Chorégraphie de Christian Rizzo, avec le Centre Chorégraphique National de Montpellier/ICI, au Lycée Jacques Decour, dans le cadre de Paris l’été.

Pour prolonger une émotion qu’il avait eue en assistant à une danse traditionnelle, à Istanbul, brève mais pleine d’énergie, Christian Rizzo a fait jouer la mémoire et tenté de transcrire la perception de ce moment d’intensité. Accompagné de huit danseurs, exclusivement hommes, pieds nus en jeans et tee-shirt, il a cherché de nouvelles formes, entre une expression populaire et la danse contemporaine.

Deux batteurs compositeurs, Didier Ambact et King Q4, exceptionnels, jouent en live, sur un podium qui mange un morceau du plateau. Ils portent le spectacle. D’un côté à l’autre de la scène, les danseurs lancent les bras en contrepoids à leurs fléchissements, ondulent de manière répétitive et lancinante, se rassemblent en une ronde furtive et derviche, se clouent les mains dans le dos comme des prisonniers, dialoguent avec les rythmes en tension. Ils glissent au gré des tempos donnés qu’ils construisent en motifs et figures et se fondent dans les lumières de Caty Olive. Par petites touches ils vibrent dans les embruns méditerranéens, d’un pas de bourrée ou de sirtaki, mêlés en un collectif hésitant entre force et fragilité.

Christian Rizzo, directeur de l’Institut Chorégraphique International/ Ici – CCN de Montpellier depuis 2015 avait créé cette pièce deux ans plus tôt au Festival d’Avignon, basée sur les réminiscences de ce fugace moment de communion traditionnelle perçu à Istanbul. Il construit un triptyque dont les deux autres pièces s’intitulent respectivement Ad noctum et Le syndrome ian encore en élaboration. L’homme est touche-à-tout, il est passé par le rock, la mode et les arts plastiques qui interfèrent souvent dans l’univers de ces recherches. Il avait longtemps dansé avec Hervé Robbe et Rachid Ouramdane avant de créer sa compagnie, l’association Fragile, en 1996.

Ses chemins de traverses passent ici par la narration autant que l’abstraction et dessinent des espaces de récits discontinus, moitié rituel moitié transe. On voyage sur une place de village au temps suspendu, à travers les énergies solaires et pratiques collectives. Le système d’écriture et l’espace des pulsions portés par le chorégraphe, les musiciens et les danseurs,  inscrivent les pleins et les déliés d’un geste un jour ébauché de l’autre côté de la Méditerranée. La ronde dansée devient immanence, transcendance et universalité.

Brigitte Rémer, le 12 août 2019

Du 31 juillet au 3 août 2019, à 22h – Au Lycée Jacques Decour, avenue Trudaine. 75009 – métro : Anvers – Site www.parislete.fr

Conception, chorégraphie, scénographie et costumes : Christian Rizzo –  Interprétation : Fabien Almakiewicz, Yaïr Barelli, Massimo Fusco, Miguel Garcia Llorens, Pep Garrigues, Kerem Gelebek, Filipe Lourenço – Roberto Martínez – musique originale et musique live Didier Ambact et King Q4 – création lumières Caty Olive – assistante artistique Sophie Laly – régie générale Jérôme Masson – arrangements sonores Vanessa Court – régie lumière et vidéo Arnaud Lavisse, Samuel Dosière.